En 1993 et 1995, des résidents de Çanakkale en Turquie achètent des terrains sur l’île de Gökçeada. En 1996, la région fait l’objet de travaux cadastraux et les parcelles sont alors enregistrées au nom du Trésor public.
Les acheteurs saisissent le tribunal de l’île en vue d’obtenir une inscription à leurs noms desdits terrains. Pour ce faire, ils revendiquent les règles relatives à la prescription acquisitive.
Le tribunal leur donne raison mais les autorités turques se pourvoient en cassation. La Cour de cassation infirme le jugement. Elle estime que la possession continue pendant de nombreuses années n’est pas suffisamment établie. Elle renvoie les parties devant les premiers juges pour en rapporter la preuve.
Entre temps, en 2004 alors que la procédure est toujours en cours, une loi environnementale décide que ces terrains classés « naturels » ne peuvent être acquis avec le temps. Le tribunal déboute alors les requérants de leur demande et ordonne l’inscription des terrains litigieux au nom du Trésor public.
Les acquéreurs estiment que cette intervention législative les prive d’un titre de propriété qu’ils auraient acquis sans cette loi et en 2006, ils introduisent une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Ils invoquent les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme qui consacre le droit à un procès équitable et au respect des biens de toute personne.
La Cour européenne constate, qu’effectivement avant la loi de 2004, les requérants remplissaient les conditions nécessaires à la reconnaissance de leur qualité de propriétaire. Elle relève également que la loi litigieuse avait été modifiée moins de trois ans plus tard pour autoriser le jeu de la prescription acquisitive sur lesdites parcelles. Elle note qu’aucune indemnisation n’a été versée aux propriétaires qui, de ce fait ont supporté « une charge individuelle exorbitante ».
La Cour européenne ordonne aux autorités turques d’indemniser la perte des terrains selon la loi nationale et les condamne à verser 5 000 € à chaque requérant pour le préjudice moral du à la longueur de la procédure (dix ans) et 2 270 € pour couvrir les frais de procédure.
Kaynar et autres c. Turquie 7 mai 2019 – requêtes numéros 21104/06 – 51103/06 et 18809/07